Aux temps de Mikkeli du Grand Quartier Général se stabilisa la composition standard de la rasade servie à la table de Mannerheim. Le maréchal, mécontenté par la piètre qualité de l'alcool dit de bûchettes du Commerce des Spiritueux, avait en effet donné pour mission à son aide de camp de trouver un adjuvant pour en masquer le goût.

La boisson finit ainsi par avoir les proportions suivantes : pour un litre d'aquavit de Rajamäki, 2 cl de vermouth sec français et 1 cl de gin. On a par la suite cherché à conserver cette composition, connue sous le nom de schnaps du Marski. Un problème résulte cependant du fait que l'on ne trouve plus les ingrédients originaux fabriqués durant la guerre.

Dans l'armée russe, le repas comprenait un schnaps, le verre étant rempli à ras bord pour ne rien perdre de cette forme de solde. Mannerheim exigea au Grand Quartier Général aussi que le verre soit rempli à ras bord, interdiction étant faite d'en renverser une seule goutte en buvant. Cette tradition fait également partie intégrante du schnaps du Marski.

Interrogé sur l'origine du vers plein à ras bord, Mannerheim la faisait remonter directement à l'armée de la Russie impériale, à l'Ecole de cavalerie et aux Chevaliers-Gardes, où il avait lui-même servi. A Saint-Pétersbourg à la fin du siècle dernier, une partie de la solde des officiers était payée sous la forme d'alcool : une rasade au petit déjeuner et deux au déjeuner. Cette boisson étant payée par l'Etat, chacun tenait naturellement à ce que son verre soit le plus plein possible.

Mannerheim a raconté avoir éprouvé une amère déception à Paris dans sa jeunesse lors d'une fatale collision entre la cuisine française et la tradition de la rasade russe. Ayant commandé avec sa suite russe de la vodka et des verres à schnaps avant un repas dans un cabinet d'un restaurant élégant. il ne put obtenir satisfaction. Le maître d'hôtel français, considérant la rasade comme une coutume barbare et un sacrilège entraînant l'abrutissement des papilles gustatives, refusa de prendre la commande. Même à l'issue de la tempête d'états d'âme qui s'ensuivit, le maître d'hôtel ne voulut rien entendre, et la suite dut à contrecœur aller prendre sa rasade du côté du bar.

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